Courrier international
Les films sud-coréens connaissent un certain succès depuis ces derniers mois, après plusieurs années noires, note le quotidien Kyonghyang Sinmun. Mais cette réussite au box-office semble se faire au détriment de la qualité des productions.
23.10.2009 | Paek Sung-chan | Kyonghyang Sinmun
Kyonghyang Sinmun
L'article original
Korean Film Council (KOFIC)
Le box office des films coréens
L'été dernier, les salles de cinéma sud-coréennes ont bénéficié d'une affluence que l'on n'avait pas connue depuis longtemps. Ainsi, les films Haeundae, de Yun Je-gyun, et Kukka taepyo, de Kim Yong-hwa, sortis à une semaine d'intervalle, ont attiré respectivement 11 millions et 8 millions de spectateurs.
Ces chiffres montrent que le cinéma coréen est en train de recouvrer la santé. Selon le Korean Film Council [KOFIC, équivalent du CNC], sa part de marché en termes d'entrées aurait été, de janvier à septembre 2009, de 51,2 %, contre 40,9 % pour la même période de 2008. On compte six films coréens parmi les dix plus grands succès de cette année. Le cinéma coréen serait-il enfin remis du marasme dans lequel il s'enlisait depuis 2006 ?
Les professionnels trouvent en tout cas ces données encourageantes. Yi Sang-mu, de CJ Entertainment, investisseur et distributeur de Haeundae, a déclaré : "En plus de Haeundae et Kukka taepyo, Chigeum gongmoowon, de Sin Tae-ra, et Kwasok seukaendeul, de Kang Hyeong-cheol, ont connu le succès, sans parler de Thirst, de Park Chan-wook, et Madeo, de Bong Joon-ho, qui ont par ailleurs été remarqués sur la scène internationale. L'espoir est permis, car le public a manifesté un grand intérêt pour les films nationaux."
La fin de l'année 2009 s'annonce aussi bien : Gootmoning Peurejideonteu [Good Morning, President], de Jang Jin, qui sort le 22 octobre, devrait faire au moins 2 millions d'entrées, d'après l'enthousiasme qu'il a provoqué lors des projections au dernier festival de Pusan [qui s'est tenu du 8 au 16 octobre]. En décembre, Jeon Woo Chi, de Choi Dong-hoon, réalisateur de Tajja [2006], pourrait bien marcher, malgré la concurrence des blockbusters hollywoodiens tels que 2012 ou Avatar.
Mais il serait encore prématuré de parler de la fin de la crise. "On vient juste de reconsolider les bases. L'an prochain verra encore sortir des films produits l'année dernière, au cours de la période où le financement était le plus difficile. Le renouveau devrait plutôt se produire en 2011", estime M. Yi. Par ailleurs, le partage des bénéfices soulève un autre problème. Le manque de ressources a affaibli les producteurs au profit des investisseurs et des distributeurs. Pour pouvoir produire un film, le producteur cède quelquefois sa part de recettes aux investisseurs, et c'est ce qui explique que, malgré le succès qu'ils rencontrent dans les salles, certains films récents ne permettent même pas à leurs producteurs de payer les frais d'entretien de leurs locaux. Yu In-taek, producteur de Hwaryohan Hyuga, de Kim Ji-hun (2007), le confirme : "Dans la situation actuelle, le succès commercial d'un film profite d'abord aux exploitants, très peu au producteur. Il faut que, sur dix films, il y en ait trois ou quatre qui marchent pour que tous les intervenants y trouvent leur compte au point de vue financier, ce qui n'est pas le cas actuellement."
D'après Sim Chae-myong, directeur de MK Pictures, "les investissements sont de plus en plus concentrés sur des films grand public à caractère commercial. Les films plus créatifs sont délaissés, même par le KOFIC. Les possibilités sont de plus en plus réduites pour les œuvres alternatives et différentes." Certains émettent des doutes sur la qualité artistique des derniers grands succès commerciaux. Le critique de cinéma Kim Yong-jin se disait le mois dernier, dans le magazine Cinno, "inquiet quant à la tendance des films à caractère commercial, qui sont dépourvus de tout esprit d'aventure et ne lancent aucun défi aux conventions du genre. Est-il souhaitable que le succès d'un film coréen repose sur des recettes qui l'apparentent aux séries télévisées ?" s'interroge-t-il.