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2 participants

    Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong

    niin
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    Citation : Hallyunique
    Date d'inscription : 12/11/2008

    Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong Empty Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong

    Message  niin Ven 26 Fév - 19:41

    "Shim Chong, fille vendue", d'Hwang Sok-yong : une odyssée des corps en exil

    Au coeur de Shim Chong, fille vendue, le bruit de la mer qui bat. Qui se brise à chaque page, comme une basse continue ou comme une injonction répétée de vie ou de mort. Deux mers s'il faut être géographe : la mer de Chine méridionale et la mer de Chine orientale réconciliées par le périple de l'héroïne, Shim Chong, à la fois sirène et naufragée, femme seule et toutes les femmes.

    Son plaisir est comme de "l'eau qui bout" ou comme une vague. Son corps est un vaisseau au sens le plus marin comme le plus religieux et le plus sensuel. Elle est une fille vendue, une concubine, une prostituée, une femme de pouvoir. Une musicienne et une mère, aussi. Elle a autant de visages que le dernier roman d'Hwang Sok-yong a d'interprétations. C'est le prix d'une écriture si riche. Elle est profonde et insaisissable, son mouvement est infini, comme une mer de Chine et d'ailleurs, proche ou lointaine. S'il le faut, on se contentera de cette seule certitude, toute simple : Shim Chong, fille vendue est un grand livre. Et l'on décernera à son auteur le même adjectif, sans réserve.

    A notre décharge, depuis plus de vingt ans, Hwang Sok-yong, né en 1943, déjà cité pour le prix Nobel, collectionne les qualificatifs définitifs, les admirations et les lecteurs. Jusqu'à présent, ses livres allaient de pair avec son engagement politique en faveur du rapprochement des deux Corées. Dans la continuité de son roman le plus célèbre, Monsieur Han (Zulma, 2002 et 10/18, 2004), son oeuvre est intimement liée à l'histoire contemporaine de la péninsule. Tout comme sa vie, marquée par une première incarcération en 1964 pour motifs politiques, puis une seconde en 1993 pour s'être rendu en Corée du Nord au mépris de la Loi de sécurité nationale sud-coréenne.

    Publié en 2003 à Séoul, Shim Chong, fille vendue ne ressemble à aucun de ses précédents romans. A l'origine, il s'agit d'une légende populaire, puis d'un pansori - l'opéra traditionnel coréen, proche d'un récit épique chanté et mimé. Hwang Sok-yong en reprend les termes principaux de l'intrigue mais la délocalise : Shim Chong renaît au XIXe siècle, en mer de Chine. Vendue par son père, elle devient courtisane à 15 ans, s'échappe et s'élève de port en port : Shanghaï, Taïwan, Singapour, jusqu'à l'archipel des Ryukyu, où un prince tombe amoureux d'elle. Epique et romanesque, le texte d'Hwang Sok-yong se goûte pourtant comme un poème. Erotique, souvent, mythologique parfois, et plus étrangement : politique. On ne change pas un écrivain.

    A l'évidence, Shim Chong, fille vendue est construit comme un pont jeté au-dessus des temps littéraires et de l'histoire. En mêlant les formes, les styles et les périodes, Hwang Sok-yong parsème son roman d'échos et d'allusions qui laissent une impression permanente de vertige et de profondeur. Le parcours du personnage principal en rappelle d'autres, depuis les "femmes de réconfort" pendant la seconde guerre mondiale jusqu'à des formes contemporaines de prostitution en Asie du Sud-Est.

    Plus insidieusement, on se souvient de ces jeunes filles coréennes de familles pauvres envoyées à l'usine dans les années 1970 - un exil et une exploitation des corps d'une violence souvent comparable. Trafic de drogue et traite des femmes n'appartiennent évidemment pas au XIXe siècle, l'originalité d'Hwang Sok-yong est d'en avoir fait une épopée complexe aux références multiples, dont le corps - son histoire, ses douleurs, son plaisir - est au coeur du mouvement.

    Shim Chong ne reviendra pas chez elle. Dès le premier chapitre, elle est symboliquement mise à mort par les marins et les marchands chinois qui la rebaptisent Lenhwa - "fleur de lotus". Mais toute la force et le drame de la courtisane Lenhwa tient à la persistance en elle d'une part de l'adolescente qu'elle a été. D'un fragment des origines. Ce débat intime permanent fait d'elle un individu en quête de quelque chose, une fugitive en puissance. A mesure qu'il se forme au plaisir des hommes (et au sien), son corps devient un instrument de pouvoir. Bientôt, Shim Chong prend conscience (politiquement) du sort de toutes les filles vendues. Cependant, en femme de son temps, elle ouvre une maison de plaisir, qu'elle tâche de rendre humaine pour ses protégées - ce qui n'a pas beaucoup plu aux féministes à la parution du livre en Corée.

    Oiseaux de plaisir

    Hwang Sok-yong prétend avoir eu l'idée de ce texte alors qu'il était coincé dans un embouteillage à Séoul, en regardant des oiseaux et en s'interrogeant sur les étapes et le but de leur migration. Dans le livre, le narrateur et le lecteur observent en écho le vol d'oiseaux de plaisir dans le ciel des années 1850. De femmes exilées et livrées au désir des hommes dans toute l'Asie. Ce faisant, le roman décrit une véritable Odyssée - au sens propre, homérique. Cartographie de l'Asie au XIXe siècle, Shim Chong, fille vendue est l'épopée d'un bouleversement idéologique et politique - aux prémices de l'impérialisme occidental et japonais. Le capitalisme est l'invité, ici, au sens du roman éponyme d'Hwang Sok-yong (L'Invité, Zulma, 2004, "Points", 2010). Comme le marxisme et le christianisme, le capitalisme occidental s'exporte et s'impose à l'Asie. Avec une certaine idée de l'individu et de la liberté, certes, mais au prix de l'exploitation et d'un déséquilibre social tragique.

    Roman historique, Shim Chong, fille vendue ne se lit pas comme un essai déguisé ou mis en scène. L'histoire est un ingrédient du récit, au même titre que l'érotisme ou la référence à L'Odyssée. Un lecteur ignorant du contexte politique asiatique au XIXe siècle ne goûtera pas moins ce livre. Au croisement des différentes dimensions du récit, le personnage principal en est à la fois la caisse de résonance et le creuset. Le monde se déploie à partir de son regard, de sa musique et de son corps, comme si elle en assurait la scansion sensuelle. Le roman de formation se confond en quête de sens autant qu'en découverte des sens. Chronique de moeurs et histoire de chair, il se goûte sans modération.

    Nils C. Ahl

    http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/02/25/shim-chong-fille-vendue-d-hwang-sok-yong_1311071_3260.html
    Aguzim
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    Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong Empty Re: Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong

    Message  Aguzim Sam 27 Fév - 13:15

    J'ai une interview de Hwang en MP3 au sujet de ce livre faite sur France Inter.
    Je ne sais pas comment la mettre sur le forum.
    Si quelqu'un est intéressé il n'ya qu'à le dire.
    niin
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    Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong Empty Re: Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong

    Message  niin Sam 27 Fév - 17:40

    Tu peux la retranscrire.
    Aguzim
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    Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong Empty Re: Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong

    Message  Aguzim Sam 27 Fév - 21:45

    Trop fainéant pour faire cela.

    http://ondemand.tv-radio.com/france_inter/COSMOPOLITAINE/COSMOPOLITAINE20100207.ram

    C'est toute l'émission. L'interview de Hwang commence aprés 22:48.

    Il faut avoir Real Player.

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    Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong Empty Re: Critique de Shim Chong, de Hwang Sok-yong

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