Pyongyang fait preuve de volontarisme sur l'essor des nouvelles technologies

Pyongyang fait preuve de volontarisme sur l'essor des nouvelles technologies

L'essor des téléphones mobiles de troisième génération à Pyongyang, dont la vente sera étendue d'ici à la fin 2009 à huit villes de province, est l'expression la plus visible de la priorité accordée par le régime au développement des sciences et technologies. Il est significatif d'un changement de politique en matière de télécommunications. Un réseau à fibre optique relie désormais Pyongyang aux principales villes du pays.

Dans la capitale, quatre boutiques vendent des portables de marques étrangères pour un coût de 50 euros l'abonnement (l'appareil valant 100 euros). A ces prix, seule une petite élite peut s'en procurer. "La demande latente est élevée. Le réseau téléphonique est vétuste, et la communication est un impératif pour le développement économique", fait néanmoins valoir un représentant à Pyongyang du groupe égyptien Orascom, qui a investi 200 millions de dollars en 2008 dans un projet multimédia en République populaire démocratique de Corée (RPDC), dont le coût total s'élève à 400 millions de dollars. Aux termes du contrat de vingt-cinq ans, Orascom bénéficie d'une exclusivité pour quatre ans dans la téléphonie mobile.

Depuis 2002, la RPDC dispose d'un Intranet, et d'un accès restreint à Internet depuis 2009. Dans le domaine de la téléphonie, Orascom Telecom a créé une joint-venture avec le ministère des postes et télécommunications (dénommée Che.O), dont le capital lui appartient à 75 %, qui exploite le réseau Koryolink. Le service a été mis en service en décembre 2008. Excepté les appareils des étrangers résidents qui ont un accès international, les mobiles ne peuvent être utilisés que pour les communications internes, explique Yun Kwang-chon, du ministère des télécommunications. Chaque mois sont vendues 10 000 unités et, à la fin 2009, 120 000 seront en circulation.

En 2002, un premier service de téléphones portables avait été mis en place par une entreprise thaïlandaise. Mais en 2004, à la suite de la catastrophe ferroviaire de Ranchyon, les appareils ont été retirés : ils auraient servi à transmettre des informations en Chine. Le projet d'Orascom donne de meilleures garanties d'"utilisation correcte" de la technologie, précise M. Yun.

MONOPOLE DE L'INFORMATION

Le régime est face à un dilemme. Le développement des technologies de l'information, nécessaire pour tenter de dégager l'économie de l'ornière, risque d'entamer un puissant instrument de contrôle social : le monopole de l'information. Il semble décidé à prendre ce risque, en essayant de limiter ses effets sociopolitiques. Au départ, ces technologies pourraient renforcer le contrôle totalitaire du régime sur la population, mais, à moyen terme, il peut ouvrir la voie à une interaction avec le reste du monde, fait valoir Rian Jensen, de l'université Johns Hopkins ("State over Society : Science and Technology Policy in North Korea", US-Korea Institute, août 2009).

Le budget en sciences et technologies a augmenté de 8 % en 2009 (sans que l'on en connaisse le montant). Trois secteurs sont privilégiés : technologie de l'information, nanotechnologie et biotechnologie. L'université polytechnique Kim Chaek, ouverte en 1999, qui compte 15 000 étudiants, occupe un bâtiment ultramoderne au centre de Pyongyang, équipé de 15 salles d'informatique et d'une bibliothèque électronique. Son serveur est connecté aux bibliothèques des autres universités du pays. En septembre sera inaugurée l'université des sciences et technologies. Fondée et gérée par des Coréens de Chine et des Etats-Unis (qui ont investi 150 millions de dollars), elle dispose d'un campus de 80 000 hectares aux environs de la capitale, et pourra accueillir 2 000 étudiants et 500 doctorants.

Les experts occidentaux estiment que la communauté scientifique nord-coréenne compte 1,9 million de chercheurs dont 100 000 spécialisés en technologie de l'information. Une partie travaille pour l'armée (selon les services de renseignements à Séoul, une centaine de hackers professionnels nord-coréens auraient des compétences analogues à ceux de la CIA). La RPDC a mis au point un nouveau programme "Etoile rouge", et la compétence de ses programmeurs est reconnue à l'étranger dans le domaine des films d'animation, jeux vidéo, échecs asiatiques, la traduction automatique et lecture optique des idéogrammes, précise M. Ryu Sun-ryol, recteur de l'Institut informatique à l'université Kim Chaek. "Mais en raison de l'embargo à l'encontre de notre pays, nos compétences sont jugulées", dit-il.
Philippe Pons