La Corée du Sud se cherche une image, par Philippe Pons
LE MONDE | 25.12.09 | 13h35
"Une image de marque nationale". La formule marketing accolée au mot "nation" peut surprendre. Lubie du président Lee Myung-bak qui entend diriger le pays comme une entreprise, narcissisme national ou problème réel ? "Notre pays souffre d'un déficit d'image à l'étranger", estime le ministre de la culture Yu In-chon, épousant la formule. Et Séoul a décidé de consacrer des millions de dollars au cours des cinq prochaines années à promouvoir l'identité d'un pays coincé entre les images écrasantes de la Chine et du Japon.
La Corée du Sud figure au trente-troisième rang d'une cinquantaine de pays recensés pour leur image à l'étranger. Une méconnaissance marquée en Europe où, selon une enquête de la société de sondages américaine ORC, 1 % des personnes interrogées n'ont qu'une vague idée de ce pays... Sa situation est paradoxale : ses produits industriels ont une identité liée aux noms des grands groupes (Hyundai, Samsung, LG), mais ils paraissent dissociés du pays : ils sont appréciés en soi, mais non parce qu'ils sont coréens.
Déficit d'image ou image négative ? Jeune démocratie, la Corée du Sud souffre parfois d'excès dans l'expression de celle-ci (pugilats au Parlement) et, depuis l'arrivée au pouvoir en 2008 de M. Lee, elle a en outre renoué avec des poussées répressives à l'encontre de syndicats, certes revendicatifs.
La Corée est un nouvel arrivant dans le concert des nations modernes. "Royaume ermite" jusqu'à la fin XIXe siècle, elle était pratiquement inconnue au lendemain de la seconde guerre mondiale. Puis, son nom fut rattaché au premier conflit armé de la guerre froide (1950-1953) : 2 millions de morts. Aujourd'hui, le regain de tension avec le Nord pèse sur l'image du Sud bien que, pour la population, un conflit reste une hypothèse improbable.
La prospérité de la 13e économie du monde est protégée, à une soixantaine de kilomètres au nord de Séoul, par des lignes de fortification et des grillages courant d'Est en Ouest sur 250 kilomètres ponctués de miradors et de bunkers, et par une armada sur le pied de la guerre. Depuis l'armistice de 1953, les deux Corées se font face, l'arme au poing. La zone démilitarisée qui les sépare est cependant en plusieurs points un "site" touristique où, chaque jour, des groupes sud-coréens et étrangers se succèdent pour observer à la jumelle le dispositif de l'adversaire.
Le poids du passé pèse, enfin, sur l'image de la Corée du Sud, longtemps placée sous le joug de dictatures militaires, secouée par les manifestations étudiantes et meurtrie par la répression. Son étonnante expansion (le revenu par habitant y est passé en moins d'une génération de 700 à 20 000 dollars) tend enfin à occulter l'histoire cinq fois millénaire d'un pays qui a vu s'épanouir une culture, certes influencée par la Chine, mais dont l'identité n'en est pas moins fortement affirmée.
En Asie, grâce à la vogue de la "K-pop", la Corée du Sud jouit d'une image forte. La popularité de ses feuilletons télévisés tient aux valeurs qu'ils véhiculent : la complexe coexistence de valeurs modernes et traditionnelles communes aux sociétés en mutation de la région. Elle est couplée au recul de la culture américaine qui "n'est plus la force culturelle dominante dans cette partie du monde", estime Shim Doo-ho de l'université Sungshin à Séoul.
La "vague coréenne" (Hallyu) a engendré dans la jeunesse asiatique une appétence pour les produits coréens : un phénomène baptisé "Kim Chic" en jouant sur le nom du condiment coréen kimchi (un choux fermenté et pimenté). Séoul est devenue un "shopping centre": sur les 6,9 millions de touristes qui se sont rendus en Corée du Sud en 2008 (et y ont dépensé 10 milliards de dollars, soit 7 milliards d'euros), la grande majorité venait de la région. Leur passe-temps : acheter... et visiter les sites de tournage de feuilletons.
Il est aussi des domaines, cinéma et littérature, dans lesquels la Corée du Sud a une image qui ne tient pas au marketing. C'est un pays dont la créativité n'a rien à envier à aucune autre nation. En témoignera une nouvelle fois en littérature la publication en janvier de la traduction d'un roman de l'un de ses plus célèbres écrivains contemporains, Hwang Sok-yong. Alors que ses oeuvres précédentes avaient pour cadre l'époque contemporaine marquée par les dictatures militaires dont il fut victime, avec Shim Chong, fille vendue (traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet, éd. Zulma, à paraître le 7 janvier 2010), Hwang fait une percée dans un passé un peu plus lointain : l'Asie du milieu du XIXe siècle. Sur fond de guerre de l'opium et d'impérialismes occidentaux, il brosse à travers le prisme du commerce du plaisir - de la prostitution la plus sordide et ses marchands de femmes à la galanterie de haute volée -, une magistrale épopée d'"une Asie en train de disparaître". Avec le souffle puissant qui caractérise son écriture, il reprend à sa manière une édifiante légende locale : celle de Shim Chong, l'adolescente qui se vendit pour permettre à son père de recouvrer la vue.
Un pays qui a un Hwang Sok-yong, dont le Prix Nobel de littérature japonais Kenzaburo Oe a pu dire qu'il est "sans conteste le meilleur ambassadeur de la littérature asiatique", ainsi que d'autres grands talents, a-t-il vraiment un problème d'image ?
3 participants
Vue dans la presse
Pr. HWANG
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Citation : korea is it !
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- Message n°1
Vue dans la presse
niin
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Citation : Hallyunique
Date d'inscription : 12/11/2008
- Message n°2
Re: Vue dans la presse
Il est bien gentil, mais qui connait Hwang Sok-yong, à part les gens très proches de l'Asie où les littéraires ? On pourrait citer une poignée d'écrivains chinois ou japonais moins intéressants que lui mais plus célèbres. La Corée est encore très méconnue, et c'est pas aprce qu'un prix nobel japonais fait l'éloge d'un Coréen que c'est faux. Donc oui, la Corée a un problème d'image (enfin si on considère que c'est un problème de passer inaperçu).
burame
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Date d'inscription : 07/01/2009
- Message n°3
Re: Vue dans la presse
Je me trompe peut être, mais je vois mal les étrangers qui s'intéressent aux dramas et à la kpop ouvrir un livre de Hwang Sok-yong. Une minorité d'entre eux à mon avis. Au final, j'ai peur qu'il n'y ait que le plus futile des aspects de la Corée qui n'intéresse les gens, et c'est bien dommage.
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