[économie] Séoul prépare un ambitieux plan de croissance verte

Séoul prépare un ambitieux plan de croissance verte

L'écologie comme moteur de croissance : la Corée du Sud va investir 2,8 milliards d'euros entre 2009 et 2012 dans un plan de relance "verte" salué par l'OCDE et remarqué dans le monde entier, alors que Séoul doit prendre la présidence du G20 en 2010 et négocie des accords de libre échange avec l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis.

Décidé au mois de janvier en réponse à la crise économique, ce Green New Deal, qui mêle politique industrielle et mobilisation publique, doit se traduire, fin juin, par un véritable plan quinquennal de croissance "verte", premier du genre au monde. Un engagement paradoxal de la part d'un gouvernement, dont les grands travaux - un polder de 400 km2 sur l'estuaire de Saemangeum et le percement d'un canal de 500 km entre Séoul et Pusan - déclenchent des polémiques écologiques. Et d'un pays qui n'a jamais signé le protocole de Kyoto.

"Notre politique de croissance "verte" sera bénéfique pour l'environnement et contribuera à lutter contre le changement climatique, mais ce n'est pas juste un plan climat : c'est d'abord un plan de développement économique", souligne Kim Choong-soo, ambassadeur auprès de l'OCDE.

PRÈS D'UN MILLION D'EMPLOIS

Parmi les mesures déjà annoncées figure le développement des énergies renouvelables, des produits et services écologiques et des technologies "vertes" ; l'investissement dans les infrastructures à faible émission de carbone et les transports en commun ; la revitalisation de rivières polluées ; la création d'un marché des émissions de carbone, d'un système d'écotaxes et d'incitations fiscales et financières pour encourager entreprises et particuliers à investir dans le développement durable.

Ce plan, censé créer près d'un million d'emplois alors même que le gouvernement table sur une récession de 2 % en 2009, a un double objectif : assurer l'indépendance énergétique du pays et le positionner comme un leader mondial des technologies "vertes".

La Corée du Sud est le 10e consommateur mondial d'énergie, le 5e importateur de pétrole. Son approvisionnement énergétique dépend à 97 % des importations et à 83 % des énergies fossiles. Une situation de moins en moins tenable. "Quand le prix du baril flambe, le coût de nos importations de pétrole dépasse les recettes cumulées de nos exportations dans les secteurs des semi-conducteurs, de l'automobile et des chantiers navals", souligne Jung Yong-hun, chef du Centre de recherche pour la politique de l'énergie.

C'est pourquoi le plan de croissance "verte" prévoit de doubler en quarante ans l'efficacité énergétique du pays, aujourd'hui inférieure de moitié à la moyenne des pays de l'OCDE, et d'accroître la part des énergies renouvelables de 2,4 % en 2007 à 20 % en 2050 - mais c'est avant tout sur le développement du nucléaire que mise le pays pour assurer son indépendance, un choix critiqué par nombre d'écologistes.

L'investissement dans les énergies alternatives doit aussi profiter à la balance commerciale. Séoul veut faire passer sa part de marché dans les industries "vertes" de 4 % en 2007 à 7 % dès 2012 et 25 % en 2050, grâce à des innovations et des gains de compétitivité dans les secteurs du solaire, de l'éolien, des piles à combustible ou des voitures moins polluantes.

"Prendre la conduite des nouvelles industries de croissance comme les technologies "vertes" décidera quels pays seront des grandes puissances à l'avenir, analyse Kang Man-soo, à la tête du conseil présidentiel sur la compétitivité nationale et proche du président de la République, Lee Myung-bak. La Corée voit dans la crise actuelle la chance de devenir une nation avancée de premier rang."

Le virage est d'autant plus urgent pour la Corée du Sud que le pays est fortement concurrencé par le géant chinois. "Nous sommes passés de l'industrie légère à la chimie lourde, puis aux composants informatiques, avant d'être chaque fois talonnés par la Chine, reconnaît M. Kim, à l'OCDE. Il nous faut à nouveau modifier notre stratégie de développement économique pour distancer nos concurrents."
Grégoire Allix